Livrée à la puissance de son amour fécond

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Dimanche, 21 octobre 2012
Monastère Saint-Jacques
Homélie prononcée à l’occasion du jubilé de 60 ans de profession monastique
dans la Congrégation des Bénédictines de Jésus Crucifié
de Mère Jeanne-Françoise de l’Assomption

Ma très chère mère,
il y a soixante ans,
vous vous êtes donnée à Jésus crucifié,
en lui disant: Suscipe me, Domine,
c’est à dire, “Reçois-moi, Seigneur;
prends-moi avec toi sur la croix;
unis-moi à ton sacrifice au Père;
fais de moi une seule offrande
livrée au feu de l’Esprit-Saint
sur l’autel de ton Coeur.”
Et le Seigneur vous a répondu:
“Je te reçois comme épouse:
tout ce qui est à moi sera désormais à toi;
je te prends avec moi dans tous mes mystères.
Avec toi, je partagerai ma grande Passion;
avec toi, je partagerai mes profondes plaies;
avec toi, je partagerai mon effusion de sang,
ma mort soufferte dans toutes les amertumes,
ma descente aux enfers,
mon réveil au matin de la résurrection,
mon regard tout illuminé par le regard de mon Père,
mon ascension à sa droite dans la gloire,
et ma vie cachée, humble, silencieuse
dans le Sacrement de mon amour.
Tout ceci est à toi
parce que tu es à moi,
et rien ne te séparera plus de mon amour.”
De même, il y a soixante ans,
vous vous êtes adressée au Père en lui disant:
Fiat mihi secundum Verbum tuum.
Et il y a quarante ans, vous m’avez expliqué un jour
au Prieuré Saint-Paul
que vous teniez à ce que le mot Verbum
de votre dévise
soit écrit avec le majuscule.
Par cela, vous vouliez signifier
qu’en qualité d’épouse de Jésus crucifié,
vous vouliez être configurée à lui,
rendue semblable au Verbe,
recevoir en vous-même
l’impression ineffaçable de sa sainte Face,
c’est à dire, de son visage tout tourné vers le Père,
de son visage douloureux,
et de son visage glorieux.
En effet, le mystère du visage du Christ,
le mystère de la sainte Face,
demeure au coeur de la vocation de toute épouse de Jésus crucifié.
Et ce visage nous est révélé aujourd’hui
dans la première lecture tirée du Chant du Serviteur,
ou, si vous voulez, de la Passion de Jésus-Christ selon le prophète Isaïe.
“Broyé par la souffrance,
le Serviteur a plu au Seigneur.”
Fiat mihi, dites-vous,
secundum Verbum tuum.
–Qu’il me soit fait comme il fut fait au Verbe.
Et Isaïe continue, disant,
“Il a fait de sa vie un sacrifice d’expiation.”
Et là encore, en tant qu’épouse de Jésus crucifié,
vous êtes obligée de répondre:
“Qu’il me soit fait comme il fut fait en ton Verbe,
à ton Verbe, et par ton Verbe.”
L’expiation n’est autre chose que la réparation,
et qu’est-ce que la réparation sinon l’Amour qui répare,
l’Amour qui répare les dégâts du péché;
l’Amour qui rend pur ce qui a été souillé;
l’Amour qui rend la beauté à ce que le mal a défiguré;
l’Amour qui rend la vie en plénitude
aux âmes que le monde, et la chair, et l’Ennemi entraînent vers la mort.
Votre configuration à Jésus crucifié vous a ouverte, ma mère,
au mystère d’une grande fécondité surnaturelle.
Que de fois vous avez prié:
“Seigneur, je me livre à la puissance de ton amour fécond.”
Toute mère reçoit la vie au-dedans d’elle même
pour la mettre au jour,
et puis, ayant mis au monde la vie,
elle dépense sa vie jour après jour,
heure après heure,
avec chaque battement de son coeur,
car le travail d’une mère va jusqu’à la mort,
et au-delà de la mort.
Votre ciel, ma mère, ne sera pas de tout repos,
car vous aurez du travail à faire sur la terre:
dans votre famille, dans votre Congrégation, et en moi.
Il ne faut pas s’étonner, chères soeurs,
de ce que le Seigneur ait répété à son épouse
les paroles qu’il a dites, en premier lieu,
par rapport à sa mère auprès de la croix:
“Femme, voici ton fils”; et puis, “Voici ta mère.”
Jésus vous a appelé à la sponsalité et à la maternité.
Lui même n’est pas venu pour être servi, mais pour servir.
Vous, en tant qu’épouse et en tant que mère,
n’êtes pas venue pour être servie, mais pour servir.
Lui a donné sa vie en rançon pour la multitude,
et vous n’avez pas pu faire autrement,
car la vie donnée à la mère
est donnée pour être répandue,
pour être dépensée,
pour être transmise par amour.
Nous nous connaissons, ma mère, depuis quarante ans.
Lorsque je vous ai vue pour la première fois,
vous aviez 49 ans, et moi, j’en avais 21.
Aujourd’hui vous avez 60 ans de vie consacrée, de vie sponsale,
et moi, j’ai 60 ans de vie tout court.
En ceci, je me permets de voir un signe de la providence de Dieu.
C’est comme si votre vie et la mienne
— votre vie d’épouse et de mère, et ma vie de prêtre —
étaient tressées ensemble par une main virginale
et par le vouloir d’un Coeur immaculé,
celui de Marie, Médiatrice de toutes grâces.
C’est ensemble, donc, pas seulement vous et moi,
mère et fils,
hostie et prêtre,
mais nous, unis à tous ceux qui nous entourent,
à Nanou, à Zizon, à Thérèse, à Florence,
unis à vos soeurs en communauté,
unis à tous ceux qui sont absents,
et unis à tous ceux qui nous ont précédés dans la mort,
que nous offrirons le Saint Sacrifice aujourd’hui.
Nous osons nous présenter devant l’autel
dans l’action de grâces et dans la joie,
parce que “le grand prêtre que nous avons
n’est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses en toutes choses;
il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché.
Avançons-nous donc avec pleine assurance
vers le Dieu tout-puissant qui fait grâce
pour obtenir miséricorde,
et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours.”
Amen, Alleluia.

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